La fascination pour les teintes profondes allant de l'acajou chaleureux au noir intense traverse les époques et les disciplines. Ces couleurs riches évoquent la noblesse, l'élégance et un certain mystère qui captive tant les artisans que les designers. Entre reflets rougeâtres de bois précieux et profondeur abyssale du noir de jais, ce spectre chromatique offre une palette extraordinairement nuancée qui trouve sa place dans l'art culinaire, l'ébénisterie, la haute couture et l'architecture d'intérieur. L'attrait pour ces teintes s'explique par leur caractère à la fois luxueux et apaisant, leur capacité à créer des atmosphères intimes et leur adaptabilité remarquable. Dans un monde où les tendances vont et viennent, les nuances profondes de brun-acajou et de noir demeurent des valeurs sûres, témoignant d'un héritage visuel millénaire résolument ancré dans notre présent.

La palette chromatique de l'acajou au noir : fondements techniques

La compréhension des fondements techniques qui sous-tendent la palette allant de l'acajou au noir nécessite un examen approfondi des propriétés chromatiques propres à chaque teinte. L'acajou, avec ses tons chauds oscillant entre le brun-rouge et le brun profond, représente un point d'entrée idéal dans ce spectre. Cette couleur tire son nom du bois d'acajou, essence précieuse dont la teinte naturelle varie selon l'espèce et la provenance géographique. Dans le langage technique de la colorimétrie, l'acajou se caractérise par une forte présence de rouge et une saturation moyenne, créant ainsi cette chaleur si caractéristique.

En progressant vers les teintes plus sombres, on observe une diminution graduelle de la luminosité et une modification des proportions entre les composantes rouge, verte et bleue. Le brun chocolat, par exemple, conserve des nuances rougeâtres mais présente une luminosité réduite comparée à l'acajou. Cette transition suit un gradient précis où la diminution de la valeur (luminosité) s'accompagne souvent d'une réduction de la saturation, jusqu'à atteindre le noir qui, théoriquement, représente l'absence totale de lumière réfléchie.

Dans les systèmes colorimétriques modernes comme le CIE Lab , ces variations peuvent être mesurées avec une extrême précision. L'acajou présente généralement des valeurs L* (luminosité) entre 25 et 35, tandis que les noirs profonds descendent sous la barre des 5. Les coordonnées a* et b*, qui déterminent respectivement les axes vert-rouge et bleu-jaune, permettent quant à elles de caractériser les nuances subtiles qui différencient un acajou rougeoyant d'un acajou plus neutre, ou un noir aux reflets bleutés d'un noir absolu.

L'œil humain peut distinguer des milliers de nuances dans ce spectre restreint, témoignant de l'incroyable finesse de notre perception des couleurs. Cette sensibilité aux variations subtiles explique pourquoi les professionnels du design et de l'artisanat accordent tant d'importance à la sélection précise de la teinte appropriée dans cette gamme chromatique. Le chocolatier qui travaille la brillance de sa ganache, l'ébéniste qui polit un meuble en palissandre, ou le créateur de mode qui choisit un tissu noir pour une robe de soirée – tous naviguent dans cet univers complexe de nuances profondes.

Les nuances acajou : variations et caractéristiques pigmentaires

L'acajou, loin d'être une couleur monolithique, se déploie en un éventail impressionnant de nuances distinctes, chacune possédant ses propres caractéristiques pigmentaires. Cette diversité s'explique par les variations naturelles présentes dans les essences de bois qui lui ont donné son nom, mais aussi par les méthodes de reproduction et d'interprétation développées au fil des siècles. La richesse de l'acajou réside dans sa capacité à osciller entre des tons chauds tirant vers le rouge et des teintes plus sobres s'approchant du brun chocolat.

Les pigments qui composent l'acajou authentique proviennent principalement d'oxydes de fer, produisant cette coloration brune aux reflets rougeâtres si caractéristique. Dans sa reproduction synthétique, la combinaison précise d'oxydes ferriques et de pigments organiques permet d'obtenir des variations subtiles allant de l'acajou clair, presque auburn, à l'acajou foncé qui s'approche du chocolat noir. La stabilité de ces pigments varie considérablement, les formulations modernes étant généralement plus résistantes à la décoloration par exposition aux UV que leurs équivalents naturels.

L'acajou sapele vs l'acajou khaya : différences de teintes et d'intensités

Dans le monde de l'ébénisterie, les deux principales espèces d'acajou, le Sapele ( Entandrophragma cylindricum ) et le Khaya ( Khaya ivorensis ), présentent des caractéristiques chromatiques distinctives qui influencent directement notre perception de cette couleur. Le Sapele affiche généralement une teinte plus rougeâtre avec un veinage plus marqué et des motifs pommelés qui créent un effet de profondeur visuelle. Sa couleur évolue significativement avec le temps, s'assombrissant et s'enrichissant pour développer cette patine si recherchée.

À l'inverse, l'acajou Khaya présente une teinte plus uniforme, légèrement plus claire et tirant davantage vers le brun-orangé que vers le rouge. Son grain plus régulier lui confère une apparence plus homogène, avec moins de variations dramatiques. Au vieillissement, il développe une teinte plus chaude et profonde, mais conserve cette relative uniformité qui le caractérise depuis sa coupe.

Ces différences naturelles ont profondément influencé notre conception des variations d'acajou dans les arts décoratifs et le design. L'acajou Sapele inspire généralement les teintes décrites comme "acajou profond" ou "acajou riche", tandis que l'acajou Khaya correspond davantage aux nuances qualifiées d'"acajou clair" ou d'"acajou doré". La compréhension de ces variations naturelles est essentielle pour quiconque cherche à reproduire ou à spécifier avec précision une teinte d'acajou particulière.

Le brun acajou dans le nuancier RAL et pantone : références précises

Dans l'univers standardisé des systèmes colorimétriques professionnels, l'acajou trouve plusieurs expressions codifiées. Le système RAL, largement utilisé dans l'industrie, propose notamment la référence RAL 8016, connue sous l'appellation "Brun acajou", qui présente une teinte profonde avec des sous-tons rougeâtres caractéristiques. Cette référence constitue un point d'ancrage important pour les designers et fabricants souhaitant une reproduction précise et constante.

Dans le système Pantone, plus communément utilisé dans les industries graphiques et textiles, plusieurs références correspondent à différentes nuances d'acajou. Le Pantone 499 C représente un acajou relativement clair aux reflets cuivrés, tandis que le Pantone 4975 C incarne un acajou profond, presque bordeaux dans certaines conditions d'éclairage. Le Pantone 7519 C offre quant à lui une interprétation plus neutre, à mi-chemin entre le brun et le rouge.

Ces références standardisées permettent aux professionnels de communiquer avec précision sur les nuances exactes désirées, éliminant ainsi les ambiguïtés inhérentes aux descriptions verbales. Un designer peut spécifier un Pantone 4975 C pour un élément textile et avoir l'assurance que le fabricant comprendra exactement la teinte recherchée, indépendamment des variations linguistiques ou culturelles dans la perception des couleurs.

La précision dans la spécification des nuances d'acajou n'est pas un luxe mais une nécessité absolue pour garantir l'harmonie visuelle d'un projet, qu'il s'agisse d'architecture d'intérieur, de mode ou de design produit.

Pigments naturels et synthétiques créant les coloris acajou profonds

La création des teintes acajou profondes repose sur l'utilisation judicieuse de divers pigments, tant naturels que synthétiques. Historiquement, les pigments naturels comme la terre de Sienne brûlée, l'ocre rouge et l'oxyde de fer constituaient la base des formulations d'acajou. Ces matières premières, extraites directement de gisements terrestres, offraient une palette limitée mais authentique, avec toutefois des variations importantes selon les sources d'approvisionnement.

L'avènement des pigments synthétiques au XIXe siècle, notamment les quinacridones et les pérylènes, a révolutionné la reproduction des teintes acajou en permettant une bien plus grande constance et une meilleure résistance à la décoloration. Ces molécules organiques complexes, créées en laboratoire, produisent des tons riches et profonds avec une précision jusqu'alors inégalée. Le PR 122 (Pigment Red 122), un quinacridone violet-rouge, est particulièrement prisé pour créer les sous-tons rougeâtres caractéristiques de l'acajou noble.

Dans les applications contemporaines, les fabricants combinent généralement plusieurs types de pigments pour obtenir la nuance exacte désirée. Un acajou profond de haute qualité pourrait ainsi contenir un mélange de pigments d'oxyde de fer synthétique pour la base brune, de quinacridones pour les reflets rouges, et parfois une petite quantité de noir de carbone pour ajuster la profondeur. Cette approche multicouche permet de créer des couleurs qui présentent une richesse et une complexité visuelle similaires à celles du bois naturel.

Sous-tons rouges et cuivrés : composition chimique et stabilité

Les sous-tons rouges et cuivrés qui caractérisent les nuances d'acajou les plus recherchées résultent d'une composition chimique spécifique et présentent des défis particuliers en termes de stabilité. Ces reflets chaleureux proviennent principalement de la présence d'oxydes de fer dans des états d'oxydation variés, ainsi que de pigments organiques spécifiques comme les quinacridones et les pérylènes mentionnés précédemment.

La stabilité de ces sous-tons constitue un défi technique majeur. Les pigments rouges, particulièrement ceux d'origine organique, présentent généralement une plus grande sensibilité à la photo-dégradation que leurs homologues bruns ou noirs. Cette vulnérabilité s'explique par leur structure moléculaire complexe, dotée de nombreuses liaisons doubles conjuguées qui, tout en leur conférant leur couleur distinctive, les rendent susceptibles aux attaques des rayons ultraviolets.

Les fabricants modernes contournent ce problème en utilisant des stabilisants UV et des antioxydants qui protègent les molécules pigmentaires. Le HALS (Hindered Amine Light Stabilizers) et les benzotriazoles comptent parmi les additifs les plus couramment employés pour prolonger la durée de vie des teintes acajou exposées à la lumière. Ces innovations permettent aujourd'hui de créer des colorations acajou qui conservent leurs sous-tons rouges et cuivrés pendant plusieurs années, même dans des conditions d'exposition difficiles.

Dans le domaine des teintures pour bois, les formulations à base d'huile offrent généralement une meilleure protection et pénétration des pigments, préservant ainsi plus longtemps les reflets cuivrés caractéristiques. Pour les textiles, les techniques de mordançage utilisant des sels métalliques comme l'alun ou le sulfate de fer permettent de fixer plus efficacement les colorants rouges, améliorant considérablement leur résistance au lavage et à l'exposition à la lumière.

Du brun chocolat au noir intense : gradations et transitions

La progression chromatique du brun chocolat au noir intense constitue un continuum fascinant où chaque nuance intermédiaire possède ses propres qualités esthétiques et techniques. Cette transition ne se résume pas à un simple assombrissement linéaire, mais implique des modifications subtiles de saturation, de température et de réflectivité. En partant du brun chocolat, riche en pigments rouges et jaunes, on observe une réduction progressive de ces composantes colorées au profit d'une absorption lumineuse de plus en plus complète, jusqu'à atteindre le noir profond qui absorbe presque tout le spectre visible.

Cette gradation s'accompagne également d'une évolution des propriétés optiques de la surface. Les teintes chocolatées présentent généralement une certaine translucidité qui permet à la lumière de pénétrer légèrement avant d'être réfléchie, créant ainsi une impression de profondeur. À mesure que l'on se rapproche du noir, cette translucidité diminue au profit d'une absorption plus directe de la lumière en surface. Ce phénomène explique pourquoi un noir mat apparaît souvent plus profond qu'un brun très foncé, malgré une différence relativement faible en termes de valeur absolue.

Dans la pratique artistique et artisanale, maîtriser ces transitions subtiles requiert une compréhension fine des principes de mélange additif et soustractif. L'ajout de pigments violets ou bleus à un brun chocolat, par exemple, peut créer un effet d'assombrissement tout en évitant l'aspect plat et uniforme parfois associé aux noirs de moindre qualité. Les grands maîtres de la peinture classique utilisaient souvent ces techniques pour créer des noirs riches et profonds, bien plus complexes qu'un simple noir de carbone.

Le chocolat noir 70% à 99% : modèle colorimétrique des cacaos d'exception

Le monde des chocolats noirs d'exception offre un parallèle remarquable avec le spectre chromatique allant du brun chocolat au noir intense. La teneur en cacao, exprimée en pourcentage, influence directement la couleur du produit final, créant un gradient visuel naturel qui illustre parfaitement cette transition colorimétrique. Un chocolat à 70% de cacao présente généralement une teinte brun acajou moyennement foncée, tandis qu'un chocolat à 99% s'approche d'un brun presque noir avec des reflets profonds.

Cette variation chromatique s'explique par la concentration croissante en particules de cacao solides, riches en pigments naturels comme les

anthocyanines et les flavonoïdes. Ces composés organiques, responsables de la coloration naturelle du cacao, absorbent différentes portions du spectre lumineux selon leur concentration, produisant un assombrissement progressif à mesure que leur densité augmente. La complexité de ces pigments naturels crée également les subtiles variations de reflets - des notes rougeâtres dans certains crus d'Amérique du Sud aux tonalités plus violacées des fèves africaines.

Au-delà de leur teneur en cacao, l'origine des fèves joue un rôle déterminant dans les nuances chromatiques obtenues. Les cacaos Criollo, particulièrement rares et prisés, tendent vers des bruns plus clairs aux reflets acajou prononcés, tandis que les variétés Forastero produisent des teintes plus sombres et uniformes. Le terroir, l'altitude de culture et les techniques de fermentation influencent également la palette finale, créant un éventail de possibilités comparable aux grands crus viticoles.

Cette gradation naturelle du chocolat offre aux chocolatiers et aux designers un référentiel organique parfait pour conceptualiser et communiquer les subtilités du spectre brun-noir. La terminologie développée par les maîtres chocolatiers - "notes boisées", "arômes torréfiés", "reflets acajou" - enrichit notre vocabulaire chromatique et permet d'articuler des nuances que les systèmes colorimétriques standards peinent parfois à capturer avec précision.

Noir de jais, noir charbon, noir d'ébène : caractéristiques distinctives

Les noirs profonds, souvent considérés à tort comme une teinte monolithique, se déclinent en réalité en une multitude de variantes aux caractéristiques optiques distinctes. Le noir de jais, référence historique, tire son nom du matériau fossilisé lignite dont la surface polie offre une réflectivité spéculaire remarquable. Cette variété de noir se caractérise par sa brillance intense et ses reflets bleutés subtils qui apparaissent sous certains angles d'éclairage. Sa capacité à renvoyer la lumière de façon ciblée tout en absorbant le reste du spectre en fait un noir particulièrement dynamique et vivant.

Le noir charbon, quant à lui, possède des propriétés radicalement différentes. Issu de la carbonisation de matières organiques, il présente une texture mate et poreuse qui absorbe presque intégralement la lumière sans réflexion notable. Cette absorption omnidirectionnelle crée l'impression d'une profondeur presque infinie, comme si la surface créait un vide dans l'espace. Les artistes et designers recherchent souvent cette qualité pour créer des contrastes dramatiques ou des zones d'ombre absolue dans leurs compositions.

Le noir d'ébène, dérivé du bois précieux du même nom, occupe une position intermédiaire dans ce spectre. Moins réfléchissant que le jais mais moins absorbant que le charbon, il se distingue par ses sous-tons bruns subtils qui transparaissent légèrement sous certaines conditions d'éclairage. Cette "chaleur" relative en fait un noir particulièrement recherché dans les contextes où une transition douce est souhaitée entre les zones sombres et les teintes plus chaudes de l'environnement.

La richesse d'un noir ne se mesure pas à son intensité absolue mais à la complexité des émotions qu'il évoque et à sa capacité à dialoguer avec les autres éléments chromatiques qui l'entourent.

Méthodes d'assombrissement progressif dans les systèmes CMJN et RVB

Les systèmes colorimétriques numériques CMJN (Cyan, Magenta, Jaune, Noir) et RVB (Rouge, Vert, Bleu) abordent l'assombrissement progressif des teintes selon des principes fondamentalement différents, reflétant leur nature soustractive et additive respective. Dans le système CMJN, utilisé principalement pour l'impression, la transition du brun acajou au noir profond s'opère traditionnellement par l'augmentation progressive de la composante noire (K) combinée à des ajustements subtils des pourcentages de cyan, magenta et jaune. Un acajou type pourrait commencer avec des valeurs approximatives de C:30% M:70% J:70% N:30%, évoluant vers un noir riche avec C:60% M:50% J:50% N:100%.

Cette méthode d'assombrissement en CMJN présente toutefois des défis techniques majeurs, notamment le phénomène de "tatouage" lorsque la charge d'encre totale (TAC - Total Area Coverage) dépasse les capacités d'absorption du support. Les imprimeurs professionnels contournent ce problème en utilisant des techniques de séparation sous couleur (UCR - Under Color Removal) et de remplacement des couleurs grises (GCR - Gray Component Replacement), qui permettent de réduire les composantes CMJ tout en maintenant la richesse visuelle des noirs.

Dans l'univers RVB des écrans, l'approche est radicalement différente. Le noir théorique correspond à l'absence totale de lumière (R:0 V:0 B:0), mais les designers expérimentés évitent généralement ce noir "absolu" au profit de noirs riches qui maintiennent de faibles valeurs dans un ou plusieurs canaux. Un noir acajou pourrait ainsi présenter des valeurs comme R:30 V:15 B:10, créant une profondeur plus organique et moins artificielle que le noir pur. Cette approche permet également de mieux préserver les détails dans les ombres lors de la transition de fichiers entre différents médias.

Les professionnels naviguant entre ces deux systèmes doivent maîtriser les complexités de la conversion colorimétrique et anticiper les variations inévitables qui surviennent lors du passage d'un espace à l'autre. Les profils ICC (International Color Consortium) et les tables de correspondance (LUT - Look-Up Tables) personnalisées constituent des outils essentiels pour maintenir la cohérence des gradations brunes et noires à travers les différents supports et technologies d'affichage.

Applications esthétiques dans l'art culinaire et pâtissier

L'univers culinaire et pâtissier s'approprie avec virtuosité les nuances allant de l'acajou au noir profond, transformant ces teintes en expériences sensorielles complètes où la couleur devient indissociable des arômes, des textures et des saveurs. Cette palette chromatique sombre évoque instinctivement la richesse, la profondeur et l'intensité gustative, créant des attentes que les grands chefs exploitent consciemment dans leurs créations. Du caramel ambré au chocolat noir intense, ces teintes constituent un langage visuel sophistiqué qui signale subtilement au convive la complexité aromatique qui l'attend.

Les praticiens de la haute gastronomie maîtrisent avec précision les procédés permettant d'atteindre exactement la nuance souhaitée, qu'il s'agisse de la coloration ambrée d'un consommé réduit pendant des heures, de la caramélisation contrôlée d'une croûte de pain au levain, ou des reflets acajou d'une sauce bordelaise parfaitement liée. Cette maîtrise technique dépasse la simple esthétique pour entrer dans le domaine des transformations chimiques qui affectent directement le goût et l'arôme des préparations.

Dans le monde de la pâtisserie et de la chocolaterie fine, cette précision chromatique atteint son apogée. Les maîtres chocolatiers travaillent avec une palette allant des bruns acajou chaleureux aux noirs profonds presque bleutés, chaque nuance correspondant à des techniques spécifiques de torréfaction, de conchage et de tempérage. Cette obsession de la couleur parfaite reflète une vérité fondamentale de l'art culinaire : l'œil goûte avant la bouche, et les teintes profondes du spectre acajou-noir constituent un prélude visuel essentiel à l'expérience gustative.

La technique du tempérage pour obtenir différentes brillances du chocolat valrhona

Le tempérage, processus fondamental dans l'art de la chocolaterie, influence directement non seulement la texture et la conservation du chocolat, mais également sa brillance et l'intensité perçue de sa couleur. Cette technique précise de cristallisation des matières grasses du cacao permet d'obtenir des variations significatives dans l'aspect visuel final, même à partir d'une couverture identique. Valrhona, référence mondiale en matière de chocolat de couverture haut de gamme, a développé des méthodes spécifiques pour contrôler ces paramètres et obtenir différents effets esthétiques selon l'application souhaitée.

La brillance optimale, caractéristique d'une tablette ou d'un bonbon chocolaté parfaitement tempéré, s'obtient par une courbe de température précise qui favorise la formation exclusive de cristaux bêta V, les plus stables et les plus réguliers. Ces cristaux créent une surface parfaitement lisse qui réfléchit la lumière de façon homogène, intensifiant la perception de profondeur de la couleur. Pour un Guanaja 70% de Valrhona, par exemple, le tempérage classique (préchauffage à 50-55°C, refroidissement à 28-29°C, puis remontée à 31-32°C) produira une surface d'un brun profond aux reflets acajou brillants.

À l'inverse, certaines applications artistiques ou gastronomiques recherchent délibérément un aspect plus mat et velouté. Ces effets s'obtiennent par des techniques de tempérage modifiées, où l'on favorise partiellement la formation de cristaux bêta IV aux côtés des cristaux bêta V. Le chocolatier Pierre Hermé utilise notamment cette approche pour certaines de ses ganaches texturées, créant une surface qui absorbe davantage la lumière et produit une impression visuelle de profondeur encore plus intense, presque poudreuse, tout en conservant une fonte en bouche impeccable.

Les experts de Valrhona ont également développé des techniques de "double tempérage" qui permettent d'obtenir des chocolats présentant simultanément des zones brillantes et mates, créant des contrastes visuels saisissants. Cette maîtrise de la lumière à travers le tempérage permet aux artisans chocolatiers de jouer sur les perceptions, une pièce artistique en chocolat noir pouvant ainsi sembler présenter plusieurs teintes différentes alors qu'elle est réalisée à partir d'une unique couverture.

Caramélisation et réaction de maillard : processus chimiques modifiant la couleur

La caramélisation et la réaction de Maillard constituent deux processus chimiques fondamentaux qui permettent d'obtenir naturellement la riche palette de bruns allant de l'acajou doré au brun presque noir. Bien que souvent confondues, ces deux réactions suivent des mécanismes distincts qui produisent des profils chromatiques et aromatiques différents, enrichissant considérablement le répertoire technique des chefs pâtissiers et cuisiniers.

La caramélisation représente la transformation directe des sucres sous l'effet de la chaleur, sans intervention de protéines. Ce processus débute généralement autour de 160°C et se manifeste par une succession de changements chromatiques allant du jaune pâle à l'ambre, puis à l'acajou, avant d'atteindre le brun foncé et finalement le noir carbonisé. Chaque étape correspond à des modifications moléculaires spécifiques qui libèrent non seulement des pigments mais également des composés aromatiques caractéristiques. Les chefs pâtissiers maîtrisent précisément cette progression, arrêtant le processus au moment exact où la teinte désirée est atteinte, qu'il s'agisse d'un caramel blond pour une touche subtile ou d'un caramel brun profond pour des notes plus torréfiées.

La réaction de Maillard, quant à elle, implique l'interaction entre les acides aminés (protéines) et les sucres réducteurs sous l'effet de la chaleur. Ce processus, qui démarre à des températures plus basses (dès 140°C), produit une gamme chromatique plus complexe et nuancée que la simple caramélisation. Les composés mélanoïdines qui en résultent créent ces teintes brunes caractéristiques que l'on observe sur la croûte du pain, la surface d'une viande grillée ou la pellicule brillante d'un financier bien cuit. La réaction de Maillard génère également des centaines de composés aromatiques qui enrichissent considérablement le profil gustatif des aliments.

Dans la pratique culinaire haut de gamme, ces deux réactions sont souvent combinées et contrôlées avec une extrême précision. Les grands chefs utilisent des thermomètres infrarouge, des sucres spécifiques et des conditions d'humidité contrôlées pour obtenir exactement la nuance d'acajou ou de brun foncé recherchée. Cette maîtrise chromatique ne relève pas de la simple esthétique mais d'une compréhension profonde de la relation entre couleur, arôme et saveur - la teinte précise d'un caramel ou d'une croûte signalant directement au chef expérimenté le profil aromatique développé.

Colorants alimentaires E150 à E153 : utilisations et réglementations européennes

Les colorants alimentaires bruns et noirs, répertoriés dans la nomenclature européenne sous les codes E150 à E153, constituent un outil essentiel pour les industries alimentaires souhaitant standardiser l'aspect visuel de leurs produits sans nécessairement recourir aux processus complexes de caramélisation ou de réaction de Maillard. Ces additifs, bien que synthétiques pour certains, permettent d'obtenir précisément les nuances désirées dans le spectre allant de l'acajou clair au noir profond, avec une constance impossible à atteindre par les méthodes traditionnelles à grande échelle.

Le E150, décliné en quatre variantes (E150a à E150d), représente les différents types de caramel colorant. Le E150a (caramel naturel) produit des teintes allant de l'ambre à l'acajou clair, tandis que le E150d (caramel au sulfite d'ammonium) permet d'atteindre des bruns plus intenses et stables, particulièrement utilisés dans les boissons cola et certaines sauces industrielles. Ces colorants caramel, bien que classés comme additifs, sont obtenus par des procédés thermiques appliqués à des glucides alimentaires, ce qui leur confère un statut relativement naturel comparé à d'autres colorants de synthèse.